Journée des Droits des Femmes : ces écrivain·e·s qui font bouger les lignes en matière de féminité et de féminisme

Femmes sans merci de Camilla Läckberg

Le sexe faible passe à l’attaque

Aussi fidèle à sa ville natale de Fjällbacka, où elle place la majorité de ses intrigues, qu’à la tradition du polar nordique, Camilla Läckberg pointe à chaque nouveau roman les zones d’ombre d’une société suédoise bien moins progressiste qu’il n’y paraît. Mais, après un cycle de dix excellents thrillers où les femmes sont toujours les victimes de la domination masculine, elle change de stratégie et passe de l’attaque raisonnée à l’offensive armée. Galvanisée par l’onde de choc du mouvement #MeToo, elle reprend la plume pour sonner la charge contre tous les suppôts de la phallocratie ambiante. En deux tomes mordants consacrés à la revanche impitoyable d’une épouse bafouée et un roman au titre qui laisse peu de doutes sur ses intentions (Femmes sans merci), la reine du thriller scandinave fait vivre un enfer à tous ces mâles autocentrés sur leur virilité qui considèrent les femmes comme des trophées ou au mieux comme des faire-valoir. Outrancières pour certains, jubilatoires pour d’autres, ces fictions de combat signées Camilla Läckberg sont autant de soutiens musclés à toutes celles qui veulent reprendre le pouvoir sur leurs vies et leur féminité.

Les impatientes de Djaïli Amadou Amal

Le patriarcat dans toute son horreur

Élue coup sur coup meilleure auteure africaine et Prix Goncourt des Lycéens l’année passée, la romancière camerounaise Djaïli Amadou Amal s’installe désormais au sommet de la littérature francophone avec un troisième roman spécialement retravaillé à l’occasion de sa parution française en 2020. Militante féministe engagée en faveur de l’émancipation par l’éducation, elle puise dans les souvenirs tragiques de ses deux mariages forcés pour écrire. Chaque nouveau texte est un moyen de dénoncer la condition de femmes africaines soumises à des traditions patriarcales iniques et barbares. Tous ses romans racontent des histoires d’épouses maltraitées, violentées, violées, répudiées et réduites au rôle exclusif de génitrices par des hommes qui ont les traditions religieuses de leur côté. Avec Les Impatientes, elle croise les destins de trois jeunes Peules contraintes au mariage qui n’en peuvent plus de s’entendre dire que c’est au bon dieu de décider qui elles ont le droit d’aimer. D’une plume tranchante, Djaïli Amadou Amal ne tremble pas au moment de pointer la responsabilité des femmes elles-mêmes dans la perpétuation de leur enfer. Formatées par la jalousie inhérente à la polygamie, écrasées par la chape morale qui pèse sur elles depuis la nuit des temps, elles sont pour la plupart incapables de s’unir pour renverser un système primitif qui survit en se nourrissant de leurs divisions. Porté par le talent de son autrice, ce roman important est une leçon de courage et d’intelligence qui impose le respect.

Complot de Nicolas Beuglet

Aux origines du sexisme

Étoile montante du thriller hexagonal, Nicolas Beuglet a la particularité de préférer les héroïnes aux héros. Un choix peu commun et parfaitement assumé par un auteur qui s’autorise à entrer dans la peau d’une femme d’action plutôt que dans celle d’un énième détective tourmenté par ses démons intérieurs. Sincèrement engagé dans une démarche féministe, il prouve dès son second roman que son postulat de départ n’est pas qu’un vain procédé de romancier en quête d’originalité. Avec Complot, il place son enquêtrice norvégienne Sarah Geringën au cœur d’une conspiration internationale dont l’objectif est d’assassiner toutes les femmes de pouvoir œuvrant dans l’ombre à l’évolution d’une société dirigée depuis des millénaires par les hommes. Menée sur un rythme infernal par une déesse nordique que rien n’arrête, l’intrigue excessivement bien documentée met en lumière la misogynie radicale d’une pensée masculiniste bien réelle, et révèle les fondements mythologiques et la nature criminelle de la domination masculine. Un polar ambitieux et clairement féministe qui interroge sur l’origine endémique du sexisme.

Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange

Avec son titre provocateur qui flirte délibérément avec la misandrie, l’essai de Pauline Harmange vise avant tout à remettre en cause la prééminence du masculin dans la société. Par les vertus libératrices de la saine colère, l’autrice pointe en toute objectivité les inégalités entre des hommes formatés et des femmes qu’elle encourage à s’unir. Par ailleurs, ce livre aurait pu être interdit à la vente si la demande de retrait d’un chargé de mission du ministère à l’Égalité, qui n’en avait lu que le titre, n’avait pas échoué.