Décryptage Romances : l’amour à pleines pages

Ah l’amour ! La littérature en a fait son sujet majeur : d’Ulysse et Pénélope à Anastasia Steel et Christian Grey, en passant par Gustav et Tadzio dans Mort à Venise, les relations humaines, réelles ou fantasmées, SM ou vanille, légitimes ou infidèles, nourrissent plus de livres que tout autre sujet. Alors pour la Saint-Valentin, voici les romances et autres récits sentimentaux qui ont marqué l’histoire, pour le meilleur et pour le pire !

L’amour dure mille ans

Oui, il y a eu un avant-After ! S’il existe depuis la nuit des temps sous sa forme physique – heureusement pour nous, l’Amour a, en vérité, été inventé, comme le vaccin par Pasteur ou la chute des pommes par Newton. Vers l’an 1000, troubadours et philosophes imaginent que l’entente charnelle et l’affinité spirituelle puissent coïncider entre deux êtres. Cette naissance de l’amour dit « courtois » précède de loin celle des comptes joints et des thérapies de couples, on s’en doute.

Les livres du Moyen Âge introduisent donc l’amour humain dans la littérature, avec cependant un certain goût pour les histoires contrariées. Réelles, les Lettres d’Abélard et Héloïse nous apprennent la difficulté des relations longue distance (de couvent à couvent). Tristan et Iseut, le grand roman sentimental de cette époque, est à l’origine de la croyance tenace selon laquelle l’amour dure trois ans (alors que c’est déjà bien long). Par la suite, les romans sentimentaux les plus célèbres sont aussi ceux qui écornent le plus le principe de bonheur partagé. La Princesse de Clèves ou La Chartreuse de Parme confinent leurs protagonistes, jamais libres de s’aimer. Les Liaisons dangereuses se moquent à la fois des cœurs purs et des cyniques piégés par leurs sentiments. Plus récemment, Belle du seigneur déconstruit la vie à deux et fait figure d’anti-récit amoureux. Le thème inspire des chefs-d’œuvre éternels, qui nous font reconsidérer l’amour à l’échelle individuelle. Tant pis s’il est impossible dans Les Hauts de Hurlevent. Tant mieux s’il chasse quelques a priori dans Orgueil et préjugés, s’il permet d'affronter la maladie dans L’Écume des jours, voire la mort dans Le Grand Meaulnes... Dans tous les cas, il révèle aux êtres (et aux lecteurs) comment vivre avec des sensations fortes qui semblent nous dépasser.

L’amour, c’est chick, c’est bit, c’est dark

Au XXIe siècle, l’amour fait moins peur : il appartient au champ du développement personnel. La psychologie et la libération sexuelle sont passées par là. Pour autant, les cœurs d’artichauts n’ont pas disparu par thérapie génique. Avec la chick-lit, on se retrouve dans la peau de femmes qui galèrent en amour, et rêvent peut-être au temps plus charmant de l’amour courtois. Jubilatoires et feel-good, le cycle de Bridget Jones, Ma vie, en plus sexy de Chiara Moscardelli ou Une catastrophe n’arrive jamais seule de Laura Norton, sans oublier Sortez-moi de là de Sonia Dagotor invitent les lectrices et les lecteurs à reconsidérer, de nos jours, l’amour comme composante d’une émancipation plus vaste de l’être, par rapport au travail, au mythe du prince charmant, ou à la sexualité.

La romance contemporaine varie comme les belles rencontres : chaque auteur choisit un cadre et des personnages pour mieux surprendre, désorienter, capter notre attention. Va où le vent te berce, de Sophie Tal Men, se déroule ainsi dans un hôpital, et narre l’idylle naissante entre un bénévole et une jeune maman dans un monde moderne. Dans La Chronique des Bridgerton, l’évocation d’une époque ancienne cache des jeux de l’amour et du hasard bien de notre temps : la chick-lit se drape aussi bien des habits du présent (le costume trois boutons de B.O.S.S. signé Aimée Bianca) que des robes du passé, comme on les trouve chez Nicola Cornick et ses héritières MacMorlan. Preuve en est, l’une des reines du roman féminin et de la romance, Lucinda Riley, passe d’une époque à l’autre au gré de ses sujets !

Autre tendance des romances actuelles : les amours contrariées par les pouvoirs surnaturels et les mélanges entre humains et vampires, sorcières et autres loups-garous. Outre, bien sûr, Bella et Edward dans Twilight, ce thème (dit de la « bit-lit ») mêle romantisme et érotisme, et nourrit des sagas aussi différentes qu’Anita Blake, avec ses passages plutôt osés, Victorian Fantasy de Georgia Caldera et ses amours steampunk, Mercy Thompson et ses créatures fantastiques glam, sans oublier La Communauté du Sud, inspiration de la série télévisée True Blood.

La dark romance, enfin, reprend toutes les contraintes et les obstacles de la littérature sentimentale pour mieux les adapter au monde d’aujourd’hui. Ce dont témoignent bien sûr 50 nuances de Grey sur la difficulté de distinguer plaisir et douleur ou After et son bad boy légèrement toxique, une figure que l’on retrouve aussi chez Isabelle Ronin dans Chasing Red. Les amours de la dark romance nous malmènent, nous interrogent : la passion vaut-elle de s’oublier soi-même ?

Mille ans de romance littéraire achèvent donc de nous convaincre que l’amour est une assez belle invention. Ses méandres inspirent suffisamment les auteurs, jusqu’ici, pour que l’on puisse croire à son existence ! Joyeuse Saint-Valentin à tous !

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