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Littérature francophone : focus sur les auteur·ice·s de l’océan Indien

De Thomas Chouanière • septembre 15, 2022Sélections & décryptages

Venu·e·s de contrées lointaines, ils·elles écrivent en français pour des raisons historiques ou personnelles. Par leur style, leurs sujets de prédilection et leur philosophie, ces autrices et auteurs contribuent à élargir le spectre de la littérature francophone. Ce mois-ci, direction l’océan Indien, où écrivain·e·s mauricien·ne·s, comorien·ne·s, mahorais·e·s et malgaches contribuent à faire du français une langue poétique et voyageuse.

Origine de la littérature francophone de l’océan Indien

À plusieurs reprises, la colonisation française a entraîné des bouleversements du côté de l’océan Indien. Ainsi, dès le XVIIIe siècle, des colonies commerciales et militaires s’établissent dans les îles des Mascareignes, alors nommées île Bourbon et île de France, devenues respectivement le département de la Réunion et l'État de l’île Maurice. Cette dernière sera conquise par les Anglais, mais une culture francophone continuera à s’y épanouir pendant deux cents ans.

Au XIXe siècle, les compagnies et militaires français jettent leur dévolu sur l’archipel des Comores, dont trois îles prendront plus tard leur indépendance, tandis que Mayotte restera sous la juridiction de l’Hexagone. Enfin, Madagascar, royaume indépendant, devint une colonie française à la faveur d’une guerre meurtrière, il y a 125 ans, avant de retrouver sa souveraineté en 1960. Dans toutes ces îles, un point commun : le mélange des cultures, qu’elles soient africaines, arabo-persiques, indiennes, chinoises ou occidentales, s’est opéré par un certain brassage des populations, dont on retrouve les traces dans la littérature francophone locale. En effet, par l’enseignement du français et sa diffusion à l’ensemble des peuples installés, la langue de Molière est devenue l’expression la plus répandue.

Madagascar : une île de littérature

Dotée d’une histoire littéraire d’une grande richesse, en particulier grâce à une tradition orale en langue malgache perpétuée durant des siècles, Madagascar devint une terre d’élection pour la littérature francophone au cours du XXe siècle, sous le fait de poètes et de romanciers bilingues voulant transcrire l’originalité de l’île et l’adresser au plus grand nombre. Récemment, l’exaltation de la culture locale et le rythme de vie difficile de ses habitants ont nourri un auteur comme Raharimanana, avec Revenir, qui raconte une famille depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, ou Tisser, dans lequel les légendes et contes insulaires servent à éclairer la situation contemporaine de Madagascar. Dans la littérature d’exil, Michèle Rakotoson a également sa place, comme l’atteste son livre-reportage Juillet au pays, sous-titré Chroniques d’un retour à Madagascar.

Les Comores, Mayotte : un mélange surprenant

Si les îles des Comores ont une place à part dans l’océan Indien, c’est surtout en raison de la séparation de l’archipel entre plusieurs entités politiques : Grande Comore, Anjouan, Mohéli appartiennent à un État indépendant, tandis que Mayotte reste sous administration française. Par la présence d’une forte communauté comorienne en France, par les voyages nombreux d’auteurs mahorais vers les îles indépendantes, par les destins individuels surtout, la littérature comorienne peut s’enorgueillir d’un mélange des cultures et des thèmes particulièrement singulier. On le retrouve en particulier chez Salim Hatubou, qui excelle aussi bien dans les contes (Les Aventures de Zolo) que dans les récits philosophiques (Hamouro). Plus orienté vers la vie de Mayotte, Nassur Attoumani en raconte le difficile attachement aux institutions françaises : la justice dans Entre les mailles du diable ou l’éducation dans Les Aventures d’un adolescent mahorais sont vus par le prisme d’un local qui doit composer avec leur caractère « exotique », et parfois injuste… Du côté de Mohamed Toihiri, grand écrivain comorien, la question de La Nationalité ou celles posées dans Splendeurs et misères d’un bigame montrent un grand attachement à la réalité politique de l’archipel. Une voix qui vient s’ajouter à toutes celles qui composent une littérature comoro-mahoraise définitivement protéiforme : dernièrement, Touhfat Mouhtare, avec Le Feu du Milieu, s’est ainsi révélé par son traitement métaphorique des mœurs et légendes locales.

L’île Maurice, une terre de fiction devenue lieu de littérature

Avant de devenir une terre de littérature, l’île Maurice a servi de cadre à un classique du roman français : Paul et Virginie, chef-d’œuvre de Bernardin de Saint-Pierre, dans lequel le pays insulaire renvoie à l’image du Paradis perdu, chère à l’art de l’Ancien Régime. Cent quatre-vingts ans après la parution de l'ouvrage, l’ancienne île de France accédait à son indépendance, et un certain nombre de personnes, restées sur place ou appartenant à la diaspora, ont écrit le caractère unique de ce petit pays multicommunautaire et plurilingue. Loys Masson, sujet britannique par son père, né à Beau Bassin-Rose Hill, fait partie des expatriés qui ont le mieux parlé de l’océan Indien, à travers le très maritime Les Tortues, par exemple. Plus frontalement, Carl de Souza, avec Le Sang de l’Anglais, raconte précisément les communautés de l’île Maurice et les difficultés des transfuges ou des personnes ballotées entre les différentes ethnies. Récemment, sa saga familiale L’Année des cyclones s’est inspirée de l’histoire coloniale de Maurice pour mieux raconter son île.

Autre écrivain rattaché de manière symbolique aux Mascareignes, J.M.G. Le Clézio témoigna de son intérêt pour cette terre, où avaient émigré ses ancêtres, en 1985. À la sortie de son livre Le Chercheur d’or, il demanda en effet à être reconnu comme un écrivain mauricien, dans une sorte d’aboutissement de son itinéraire voyageur. Si bien qu’aujourd’hui, on considère qu’il est le premier auteur franco-mauricien à avoir reçu le Nobel de littérature !

Focus sur Ananda Devi & Nathacha Appanah

Originaire de la communauté indienne de l’île Maurice, Ananda Devi a dédié sa vie à la littérature, en commençant à écrire dès l’adolescence. Attirée par la poésie, elle s’est ensuite focalisée sur le roman, livrant des récits bouleversants comme Eve de ses décombres, chronique d’une jeunesse sacrifiée à l’île Maurice, ou son autofiction Les Hommes qui me parlent, dans lequel elle revient sur son processus créatif et sa place de femme dans la société. Elle s’est également plongée dans les mœurs de l’Inde avec des romans comme Le Rire des déesses.

> Découvrez le podcast La Couleur des Mots avec Ananda Devi

La journaliste Nathacha Appanah figure elle aussi parmi les voix féminines passionnantes de la littérature francophone mauricienne. Son quatrième roman, Le Dernier Frère, croise la vie des Mauriciens et celle de Juifs refoulés d’Israël à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et se démarque. Depuis 2016 et son obtention du prix Femina des Lycéens pour Tropique de la violence, situé à Mayotte, l’autrice, qui a baigné dans le créole mauricien durant son enfance, publie très régulièrement des œuvres à vocation universelle, dont le récit familial Le Ciel par-dessus le toit, ou le bouleversant Rien ne t’appartient.

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