Tour du monde du suspense : mystères sans frontières
De Reykjavík au Cap, de Paris à Boston, de Buenos Aires au Pays basque, de Lisbonne à Rome ou Stockholm, le suspense est un langage universel qui se partage sans modération. Pour partir à la rencontre de tous ces auteur·ice·s qui mettent nos nerfs à l’épreuve et découvrir quels polars ou thrillers dévorer sans hésiter, embarquons pour un tour du monde en six étapes clés !
Le suspense qui venait du froid
Cap sur la Scandinavie… Héritière d’une tradition littéraire initiée dans les années 1970 par un couple de romanciers suédois, cette zone pré-polaire où la nuit et le jour se dévorent à tour de rôle est aujourd’hui une des principales places fortes du suspense international. D’origines géographiques diverses, tou·te·s les auteur·ice·s des cinq pays qui la composent ont la particularité d’obéir à un ADN littéraire commun où se combinent qualité d’écriture, intrigues raffinées, personnages complexes et critique sociale et sociétale. Berceau du « polisroman », la Suède domine grâce notamment aux romans noirs féministes de ses deux Camilla – Läckberg et Grebe – et au talent prometteur du scénariste Stefan Ahnhem, qui vient de confirmer son entrée dans la cour des grands avec Moins 18°. Au Danemark voisin, Jussi Adler-Olsen tient en haleine depuis plus de dix ans des millions de lecteurs à travers le monde avec la série du Département V. Plus au nord, en Norvège, l’ex-inspecteur Jørn Lier Horst est aujourd’hui un auteur de renommée internationale grâce à des romans comme L’Usurpateur où il met en scène la traque d’un « serial killer » américain. La Finlande quant à elle peut toujours compter sur le regard caustique du disparu Arto Paasilinna, qui avec La Douce Empoisonneuse dresse le portrait irrésistiblement drôle et méchant d’une Tatie Danielle qui vient du froid. Enfin, l’immense Arnaldur Indridason complète à chaque roman son œuvre historique, tragique et mélancolique. Dernier volet en date de la série Konrad, La Pierre du remords, plonge à nouveau dans les méandres de l’histoire islandaise.
Moins 18° de Stefan Ahnhem
L’Archipel des larmes de Camilla Grebe
Cyanure de Camilla Läckerg
Miséricorde de Jussi Adler-Olsen
L’Usurpateur de Jørn Lier Horst
La Douce Empoisonneuse de Arto Paasilinna
La Pierre du remords de Arnaldur Indridason
L’Europe de l’angoisse
Sur le Vieux Continent, le suspense est roi. Rivalisant de qualité et d’audace, polars et thrillers restent les romans les plus prisés par une large majorité de lecteurs européens.
En France, au-delà du succès solidement installé d’un orfèvre en angoisses contemporaines comme Franck Thilliez, des auteur·ice·s à l’écriture ciselée parviennent à se faire une place au sommet avec des propositions littéraires ambitieuses. Dans cette veine, l’éclectisme de Franck Bouysse fait merveille. Aussi à l’aise dans un glaçant thriller d’enfermement comme Oxymort que dans un roman noir rural, ce grand styliste construit roman après roman une œuvre passionnante. Amoureuse du feu, de la glace et de l’écriture, Sonja Delzongle a débuté sa carrière par un thriller africain avant de changer radicalement de latitudes et prendre la direction du Grand Nord. Épopée tragique d’une équipe de scientifiques au Groenland, Boréal est un exemple parfait de thriller réussi alliant suspense et conscience écologique. Dans le plus pur style du polar français, l’ex-commissaire Christophe Gavat marque les esprits en remportant le prestigieux prix du Quai des Orfèvres 2021 avec Cap Canaille. Outre-Rhin, l’Allemande Nele Neuhaus imagine les intrigues criminelles les plus folles pour entrer sans effraction dans l’intimité de son enquêtrice Pia Sander. Une héroïne attachante que l’on retrouve avec un immense plaisir dans Les Oubliées du printemps.
Il était deux fois de Franck Thilliez
Oxymort de Franck Bouysse
Boréal de Sonja Delzongle
Cap Canaille de Christophe Gavat
Les Oubliées du printemps de Nele Neuhaus
Au Portugal, José Rodrigues Dos Santos profite de sa notoriété de présentateur de JT pour initier le public à la science à travers des thrillers de vulgarisation scientifique. Son dernier roman, Immortel, prouve une nouvelle fois la pertinence de son concept en mixant espionnage et enjeux technologiques transhumanistes. Chez ses voisins ibères, l’autrice basque Dolores Redondo est devenue grâce à sa trilogie de La Vallée du Baztan la coqueluche de la production cinématographique espagnole. Dernier volet de la série à avoir été adapté, Une offrande à la tempête est aujourd’hui un succès d’envergure internationale sur la plateforme qui le diffuse. Plus à l’est, en Italie, Donato Carrisi donne de son côté des Alpes des sueurs froides à ses lecteurs depuis 2009 et l’entrée en piste du terrifiant Chuchoteur. Un méchant de fiction devenu mythique qu’il met entre parenthèses le temps de son nouveau roman, l’incroyable thriller psychiatrique La Maison des voix.
Immortel de José Rodrigues Dos Santos
Une offrande à la tempête de Dolores Redondo
La Maison des voix de Donato Carrisi
Les joyaux de la couronne
Maîtres historiques du « whodunit », le roman à énigme en VO, les Britanniques sont également d’indiscutables experts en matière de roman d’espionnage. Référence absolue du genre, John Le Carré, qui vient de disparaître, a publié durant sa longue carrière plus de classiques du genre que n’importe lequel de ses confrères. Avec Un homme très recherché paru en 2008, l’auteur qui fut également agent du MI6 élargissait sa palette en distillant une dose subtile de romance dans un drame de l’immigration poignant où les espions jouaient encore une fois leur rôle. Autrice écossaise ouvertement féministe, Val McDermid traduit elle ses engagements à travers des thrillers où suspense et sous-texte politique font bon ménage. Huitième épisode de la série Tony Hill & Carol Jordan, Une victime idéale et son histoire de tueur en série en quête de la femme parfaite en apporte la preuve éclatante.
Un homme très recherché de John Le Carré
Une victime idéale de Val McDermid
Born in the USA
Plus violente et plus exubérante que son excentrique mais royale cousine britannique, la société américaine engendre depuis toujours les polars et les thrillers qui lui ressemblent. Championne toutes catégories de « l’entertainment », elle produit avec régularité et abondance des auteur·ice·s qui maîtrisent sur le bout de la plume tous les codes du suspense pour mieux nous raconter les tourments de leur gigantesque pays. Avec ses romans puissants qui plongent dans les entrailles du crime organisé, Don Winslow s’inscrit dans une tradition bien américaine du polar. Ultime chapitre de la trilogie Cartel, La Frontière met un terme aux actions choc de l’agent de la DEA Art Keller et épingle avec vigueur la politique anti-drogue de l’administration US. Éminent faiseur de suspense depuis près d’un demi-siècle, le vétéran Robin Cook continue quant à lui de ficeler avec la même conviction d’angoissants thrillers médicaux. Dernière intrigue en date, Origines fait s’entrechoquer deux sujets d’une actualité brûlante : le respect des données personnelles et les nouvelles technologies génétiques. Moins frontalement violente mais tout aussi mordante, Lisa Gardner s’impose incontestablement comme une des reines du thriller psychologique made in USA. Dans Les Morsures du passé, cette narratrice hors pair passionnée de criminologie exhume les secrets d’une famille assassinée et entre dans le monde obscur de la maladie mentale.
La Frontière de Don Winslow
Origines de Robin Cook
Les Morsures du passé de Lisa Gardner
Hémisphère final
Enfin, pour boucler ce tour du monde des romans qui nous font vivre des émotions fortes, une double halte sur le continent africain et en Amérique du Sud s’impose. En Afrique du Sud d’abord avec un des plus grands noms de la littérature policière contemporaine. Pourfendeur historique de l’apartheid et défenseur d’un pays multi-culturel, Deon Meyer écrit ses polars en afrikaans avant de les traduire en anglais. Pour La Proie, son dernier roman, il tisse deux intrigues simultanées qui convergent dans un final de haute volée. La première se déroule au Cap au cœur de la brigade des Hawks, l’autre débute à Bordeaux où un ancien membre de l’ANC est rattrapé par son passé d’activiste armé. Lui aussi originaire de l’hémisphère Sud, l’Argentin Federico Axat s’est fait connaître du public international en 2016 avec un thriller inclassable qui lorgne brillamment du côté de la psychanalyse. Avec son récit déconstruit mais toujours cohérent, L’Opossum rose est une expérience inédite de lecture où le quatrième mur est brisé par un héros qui ne sait plus trop lui-même à quelle réalité se vouer.
La Proie de Deon Meyer
L’Opossum rose de Federico Axat