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5 fautes de style à gommer

De Kobo Writing Life • janvier 23, 2025Corriger son roman

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Derrière ce titre un peu provocateur (peut-on parler de « faute » de style ? Rien n’est plus sujet à débat que le style) se cachent en réalité des questions à se poser sur vos intentions. La vraie question n’est en effet pas tant « comment écrire ? » que « pourquoi écrire de telle ou telle façon ? ». Quel effet veut-on produire, quel rythme ? Ces conseils ne sont donc pas à appliquer à la lettre. Prenez le contrepied s’il le faut, mais faites-le sciemment, pour servir une intention.

Définir le style

Tout d’abord, qu’est-ce que le style ? Pour moi, c’est le résultat des choix faits par l’auteur pour tout ce qui concerne la mise en récit, c’est-à-dire la façon dont on raconte l’histoire :

  • L’utilisation des outils narratifs (le choix du point de vue, les outils du rythme – comme la scène ou le résumé –, l’alternance de la description, de l’action et des dialogues…).
  • Le maniement de la langue (construction et rythme des phrases, précision du vocabulaire, figures de style, musicalité…).

« Éviter les adverbes et les verbes faibles » est un conseil d’écriture connu. Mais pourquoi les éviter, et surtout quand ? Parce qu’il n’est pas tant question d’éradiquer que de doser, et donc de comprendre où ils peuvent être malvenus, pour ne pas les faire sauter au petit bonheur la chance.

On verra chaque conseil en détail, mais d’une manière générale, ce n’est pas un participe présent et trois adverbes qui vont appauvrir un chapitre. C’est l’excès et la non-remise en question dans des situations que l’on aurait pu optimiser. Parfois, un verbe faible est ce qui convient le mieux, un participe présent permet un rendu plus fluide, un adverbe de manière est nécessaire. Gardez en tête que le plus important est la précision et le fait de varier les constructions. On peut considérer que le style est pauvre lorsque l’auteur aurait pu faire plus clair, plus précis, plus fluide, plus imagé ou encore plus immersif, et que ça se répète au point que le lecteur le remarque.

Au premier jet, les mots sortent comme ils sortent. Ce qui est important, c’est de poser l’intrigue, construire les personnages ; le travail du style vient dans un second temps, à la troisième ou quatrième réécriture.

Je vous propose un jeu. Voici un court texte :

Lucien appuya sur la sonnette du petit portail, quand un chien arriva en aboyant. Il s’arrêta et scruta attentivement le chien menaçant. Il hésita prudemment, parce que le mois dernier il s’était fait mordre au mollet. Il sonna donc une nouvelle fois en espérant que le maître du molosse sorte de chez lui.

Prenez cinq minutes pour retravailler les phrases en fonction des conseils donnés. À la fin de l’article, je propose ma version. Il n’y a pas de « bonne » réponse, les possibilités sont multiples.

On commence par un bonus, un conseil pour les gouverner tous :

0. Trop d’informations dites

Le show don’t tell est un outil narratif, mais il sert le style. Pour le définir rapidement, il s’agit du fait de montrer les choses – donc les faire comprendre ou ressentir – plutôt que de les dire de but en blanc au lecteur.

On le trouve à différents degrés dans la narration : au niveau de la phrase (« il pleuvait », versus « Arthur ouvrit son parapluie et zigzagua entre les flaques pour rejoindre sa voiture ») jusqu’au niveau de la structure du roman (écrire une scène complète pour caractériser un personnage, plutôt que simplement énoncer sa caractéristique).

On dose cette technique en fonction de l’importance de l’information et de l’ambiance que l’on veut donner. On peut dire au lecteur « il pleut », c’est une description neutre et factuelle ; parler du parapluie et des flaques permet une meilleure visualisation de la scène, une meilleure immersion. On zigzague avec Arthur.

Un excès de tell au niveau des descriptions donne donc un résultat peu visuel et peu immersif, tandis qu’un excès de tell au niveau de la structure laisse le lecteur passif. Au contraire, trop de show alourdit le récit et nous noie dans des informations inutiles. Il faut doser.

Ce n’est pas un conseil de style en soi, mais c’est un principe auquel se réfèrent parfois les cinq recommandations qui suivent.

1. Trop d’imprécisions

On nomme verbes faiblesnoms faiblesadjectifs faibles les termes trop vagues, peu évocateurs, qui veulent à la fois tout et rien dire. Manquer de précision reviendrait à dire « tiens, voilà une histoire, imagine-la comme tu veux ».

Utiliser des termes précis permet au lecteur de se représenter la scène de manière plus concrète, donc plus immersive. La vraie richesse d’un texte est là, dans son vocabulaire précis (qui ne veut pas dire vocabulaire compliqué !).

5 fautes de style à gommer : les imprécisions
  • Utiliser les mots justes

On peut faire peur ou effrayer, épouvanter

« Il met ses chaussures au pied des escaliers. » Mettre dans le sens d’enfiler, chausser, porter ? Ou dans le sens de poser, déposer, placer ?

« Elle a fait un rapport », est-ce qu’elle l’a rédigé, envoyé, exposé de vive voix ?

  • Utiliser des mots spécifiques plutôt que génériques

Écrire un vaisselier plutôt qu’un meuble, une pomme plutôt qu’un fruit, un maine coon plutôt qu’un chat

  • Utiliser des images évocatrices

« Elle était magnifique » (combo verbe faible + adjectif faible) : magnifique n’évoque rien de concret au lecteur. Qu’est-ce qui la rend magnifique aux yeux du narrateur ? On pourrait remplacer par « l’assurance qu’elle dégageait aimantait mon regard » (par exemple, pour éviter la facilité des caractéristiques physiques).

  • Attention ! 

On garde les verbes faibles dans les locutions figées : faire bon voyage, prendre parti, avoir du pain sur la planche, mettre au pied du mur

Attention également à ne pas surtravailler vos dialogues pour qu’ils restent réalistes si vos personnages sont censés avoir un langage courant. Dans la vie, on dira plus facilement « oh, tu m’as fait peur » que « tu m’as effrayé ».

2. Trop d’adverbes de manière

Ces adverbes en -ment sont souvent le résultat d’une volonté d’enrichir le texte, d’appuyer le propos, mais c’est une facilité d’écriture. Trop nombreux, ils finissent par alourdir et appauvrir le style. Chacun d’entre eux doit être remis en question et on va retrouver les mêmes problématiques que pour l’excès d’imprécisions vu juste avant.

  • Redondance

« Scruter attentivement » : scruter signifie « observer avec beaucoup d’attention », c’est donc redondant avec attentivement.

« Surveiller temporairement les enfants pendant ton absence » : pendant ton absence indique une durée limitée, c’est donc redondant avec temporairement.

« Suffire simplement » : pléonasme.

  • Manque de précision

« Quitter discrètement » pourrait être remplacé par s’éclipser.

« S’effacer légèrement » : s’estomper.

« Marcher lentement » : selon le contexte, on peut traîner les pieds, lambiner, flâner…

  • Terme peu évocateur

« Un homme élégamment vêtu » : en quoi est-il élégant ?

« Mon ventre affamé se manifeste bruyamment. » Quel bruit spécifiquement ? On pourrait dire par exemple « dans un gargouillement sonore ».

  • Attention !

Certains adverbes apportent une nuance intéressante qu’on ne peut obtenir autrement.

« Mon père s’énerve rarement. » Ici l’adverbe est nécessaire, sa précision change le sens de la phrase. Le supprimer n’est pas envisageable, essayer de l’éviter alourdit : « C’est rare que mon père s’énerve. »

Dans ce cas, on prend en compte le contexte pour choisir l’adverbe ou la relative : on varie les structures et les longueurs.

On peut lancer une recherche sur « ment » et surligner tous les adverbes de manière en fluo. Ensuite, on étudie cas par cas s’il faut remplacer, reformuler, supprimer, ou laisser.

5 fautes de style à gommer : simplifier

3. Trop d’adjectifs

L’accumulation des adjectifs est une facilité d’écriture, elle évite un travail analytique.

Par exemple, on peut dire « l’après-midi avait été doux et ensoleillé », pas besoin de faire du show pour parler de la météo. Mais si l’on parle de la vie d’un auteur et que l’on écrit « il repensa aux rencontres inspirantes avec ses lecteurs et aux échanges émouvants autour de son livre » : en quoi les rencontres sont-elles inspirantes ? En quoi les échanges sont-ils émouvants ? En quoi est-ce important pour lui ? L’adjectif dit et ne montre pas.

Bien entendu, il n’est pas question de tous les supprimer ou de tous les remplacer par de la mise en scène. Encore une fois, il s’agit de trouver l’équilibre. Pour chaque adjectif utilisé, on peut se demander si l’on n’est pas en train de dire quelque chose qui mériterait d’être montré.

Petite astuce, si vous avez Antidote, le logiciel permet de relever les occurrences par fonction, en allant dans « statistiques » puis « catégories ». Sur le camembert à droite, on clique sur « adjectifs » pour les mettre en surbrillance.

4. Trop de connecteurs logiques

Les connecteurs logiques sont ces petits mots qui établissent un rapport de sens (opposition, cause, conséquence…) : donc, car, parce que, en effet, par conséquent

En littérature, s’il doit bien y avoir un lien de cause à effet entre les événements, on évite de l’écrire noir sur blanc. C’est l’enchaînement des phrases qui induit la logique, et c’est le lecteur qui fait le reste du travail. Avec les connecteurs logiques visibles, cela donne un aspect rédactionnel, démonstratif. Un vieux réflexe issu des rédactions scolaires dont il faut se débarrasser.

Il faut vaincre aussi cette peur que le lecteur ne comprenne pas, qui nous pousse à répéter les choses de différentes façons.

Pour les limiter, on peut jouer sur l’ordre des phrases ou la ponctuation, par exemple un point-virgule peut suggérer une relation de cause à effet, deux points peuvent introduire une explication ou une conséquence, un tiret peut marquer une opposition ou une précision.

« Louis aimait par-dessus tout le calme de la campagne. Cependant, sa femme ne vivait que pour le fourmillement infini de la ville » pourrait devenir « Louis aimait par-dessus tout le calme de la campagne. Sa femme, elle, ne vivait que pour le fourmillement infini de la ville ».

« Louis sauta du lit car il était en retard » pourrait devenir « Louis jeta un coup d’œil au réveil : il était en retard. Il sauta du lit ».

5 fautes de style à gommer : les connecteurs logiques

5. Trop de participes présents

Le participe présent peut indiquer un but, une conséquence, une manière, une simultanéité… Parfois, sa fonction est floue, chose que l’on veut éviter en littérature.

« Entendant du bruit, il se leva. » Est-ce que c’est parce qu’il entend du bruit qu’il se lève ? Ou est-ce simplement deux actions simultanées ? « Il entendit du bruit. Intrigué, il se leva. »

Il peut aussi avoir un côté explicatif, « comme X, alors Y ». À l’instar des connecteurs logiques, le participe présent a tendance à mettre en avant le lien de cause à effet.

Les solutions de remplacement sont nombreuses, on peut par exemple transformer le participe présent :

  • En proposition relative

« Leurs amis, ayant la mémoire courte, les avaient abandonnés. » / « Leurs amis, qui avaient la mémoire courte, les avaient abandonnés. »

  • En complément circonstanciel

« Il implorait son pardon, tendant les mains. » / « Il implorait son pardon les mains tendues. »

  • En infinitif

« Il quitta la pièce en ne parlant de rien. » / « Il quitta la pièce sans parler de rien. »

Pour terminer, voici ma proposition de réécriture pour le texte en introduction :

Lucien sonna au portillon. Un berger allemand arriva, tous crocs dehors entre deux aboiements. Lucien s’arrêta et scruta le molosse aux poils dressés sur le dos. Il hésita. La cicatrice d’une morsure au mollet le mois précédent le démangeait encore et il n’avait affronté qu’un chihuahua. Il sonna une nouvelle fois. Bon sang, pourquoi personne ne sortait de cette foutue baraque !


Emmanuelle Billant a décidé de se professionnaliser pour vivre de sa passion. Après le passage du certificat Voltaire en 2020, elle complète avec une formation de relecteur-correcteur auprès du CEC (Centre d’écriture et de communication) de mars 2021 à février 2022. Elle est l'autrice de 3 autres articles à consulter sur ce blog. Découvrez son parcours et ses prestations sur son site : plume-en-main.com

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