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Comment protéger le titre de son livre ?

De Elvire Bochaton • juin 28, 2025Information juridique

Image de titre

Lorsque l’on est auteur, on pense souvent à la protection de son texte. Comment faire pour que quelqu’un ne nous plagie pas ? Mais, avez-vous pensé à la protection de votre titre ? Dans votre parcours d’autoédition, le choix du titre de votre livre n’a rien d’anodin. Votre titre va devenir la porte d’entrée vers votre lectorat : c’est par votre titre que le public va prendre connaissance de l’existence de votre ouvrage et, parfois même, vous connaître en tant qu’auteur. Le titre – et sa protection – est donc un élément stratégique à ne pas négliger. 

Les différents modes de protection du titre d’un livre

Pour protéger le titre de votre livre, plusieurs mécanismes juridiques existent. Chaque mécanisme répond à des conditions spécifiques.


La protection par le droit d’auteur

Le droit d’auteur protège automatiquement le titre d’un livre, dès lors qu’il est original, c’est-à-dire qu’il reflète la personnalité de l’auteur.Cette originalité ne se limite pas à la simple nouveauté : le titre doit se distinguer par un agencement, une association de mots, un ton, un jeu de langage ou une référence qui témoignent d’une démarche intellectuelle propre à l’auteur. Cette originalité est étudiée au cas par cas par les juges, en cas de conflit. Par exemple, le titre Mémoire fauve a été reconnu comme original et donc protégé par le droit d’auteur. 

À l’inverse, un titre composé de mots courants, purement descriptif ou usuel, qui ne révèle aucune démarche créative ou choix personnel particulier, sera jugé banal et ne bénéficiera pas de la protection du droit d’auteur. Ce fut le cas du titre Tueurs de flics qui se contentait de décrire de manière littérale le sujet de l’œuvre (des meurtres de policiers) sans apporter de dimension créative ou inattendue.

Par le droit d’auteur, vous pouvez interdire à toute personne d’utiliser votre titre pour un ouvrage similaire, sous réserve que vous puissiez prouver l’originalité et la reproduction ou l’imitation du titre. Cette protection est automatique : vous n’avez besoin d’effectuer aucun dépôt particulier, et le droit d’auteur perdure toute votre vie plus 70 ans après votre mort (si vous écrivez sous votre vrai nom), ou 70 ans après la publication de votre livre (si vous écrivez sous pseudonyme).

La protection par la concurrence déloyale et le parasitisme économique

Que le titre soit protégé par le droit d’auteur ou non, il peut tout de même bénéficier d’une protection au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme économique. 

L’action en concurrence déloyale sanctionne les comportements fautifs qui créent une confusion dans l’esprit du public entre deux ouvrages portant le même titre ou un titre similaire. Les juges retiennent la confusion lorsque le public risque d’associer, à tort, deux ouvrages du même genre.

Dans l’affaire « Tueurs de flics » évoquée précédemment, les juges n’ont certes pas considéré le titre comme original au sens du droit d’auteur, mais ont reconnu une concurrence déloyale. Le titre Tueurs de flics était utilisé pour des romans appartenant tous deux à la catégorie du roman noir ou policier, ce qui exposait le public à une confusion potentielle sur l’origine ou l’auteur de l’œuvre.

Le parasitisme économique, quant à lui, sanctionne les cas où un tiers cherche à profiter indûment de vos investissements, du succès ou de l’image de votre livre, en s’y associant ou en le détournant à son profit. Contrairement à la concurrence déloyale, le parasitisme ne nécessite pas de démontrer une confusion dans l’esprit du public : il suffit de prouver que le comportement du tiers constitue une captation injustifiée de la valeur que vous avez créée.

La protection par le dépôt d’une marque

Une marque, au sens juridique, est un signe qui sert à distinguer les produits ou services d’une personne ou d’une entreprise de ceux de ses concurrents. Cela peut être, par exemple, un nom, plusieurs mots, un slogan, un logo, ou une combinaison de ces éléments.

Déposer votre titre en tant que marque vous permet d’obtenir un monopole d’exploitation sur cette dénomination. Cela signifie que vous pouvez interdire à d’autres personnes d’utiliser un titre identique ou similaire pour des livres, même si ceux-ci sont dans un genre différent.

Contrairement au droit d’auteur, la protection par la marque n’est pas automatique : elle nécessite un dépôt payant auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

La protection par la marque peut se cumuler avec celle offerte par le droit d’auteur (en cas d’originalité du titre) et avec l’action en concurrence déloyale et/ou en parasitisme économique. D’ailleurs, un titre peut être déposé comme marque même s’il n’est pas original au sens du droit d’auteur.

Focus sur le dépôt du titre d’un livre en tant que marque

Les conditions à respecter pour qu’une marque puisse être déposée

Pour qu’un titre de livre puisse être déposé comme marque auprès de l’INPI, il doit remplir 4 conditions légales définies par le Code de la propriété intellectuelle.

  1. Tout d’abord, la marque à déposer ne doit pas contrevenir à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Par exemple, ne peuvent pas être protégés : les titres injurieux, racistes, incitant à la violence, ou faisant l’apologie de crimes ou d’actes illégaux, ou encore les titres reprenant des symboles protégés (comme les drapeaux ou emblèmes officiels).
  2. Ensuite, une marque doit être « distinctive ». Une marque est distinctive si, en la voyant, les consommateurs peuvent facilement savoir de quelle entreprise ou de quel auteur provient le livre ou le produit, sans la confondre avec d’autres. Plus précisément, la marque ne doit pas être la désignation nécessaire de votre livre. Un titre de livre est considéré comme distinctif s’il ne décrit pas de manière évidente le contenu de l’ouvrage et ne se confond pas avec des termes génériques ou usuels. Par exemple, une marque nommée « le guide de la cuisine » ou « roman d’amour » pour désigner des livres risque d’être refusée par l’INPI pour défaut de distinctivité, car elle serait trop descriptive.
  3. La marque ne doit pas être « déceptive ». Une marque est considérée comme déceptive lorsqu’elle peut induire le consommateur en erreur, par exemple, sur la nature du produit, sa qualité ou sur son origine. L’exigence de non-déceptivité vise à protéger le public contre les risques de tromperie. Par exemple, la marque « Premier sur le matin » a été annulée pour une émission de radio qui n’était pas la plus écoutée dans la tranche horaire concernée, car elle induisait le public en erreur sur la qualité ou le classement de l’émission.
  4. Enfin, pour déposer une marque, il faut aussi que celle-ci soit « disponible », c’est-à-dire qu’il n’existe pas déjà des droits antérieurs sur le titre de votre livre. Cette étape vise à éviter d’entrer en conflit avec des tiers qui auraient déjà protégé un titre, un nom ou une marque identique ou proche pour des produits ou services similaires. Les droits antérieurs à prendre en compte sont par exemple : les marques déjà enregistrées, les dénominations sociales et non commerciales, les noms de domaine, les droits d’auteur. Il est fortement recommandé d’effectuer une recherche d’antériorité pour éviter les mauvaises surprises.

Le dépôt d’une marque

Le dépôt d’une marque s’effectue directement en ligne sur le site de l’INPI. Vous pouvez déposer votre marque vous-même, ou bien décider de faire appel à un professionnel comme un avocat ou un conseil en propriété industrielle.

Si vous décidez de déposer votre marque seul(e), on vous demandera tout d’abord d’indiquer le signe à protéger, c’est-à-dire le nom de votre marque, qui peut être un mot, une expression, un logo ou même une combinaison de ces éléments. Vous devrez ensuite préciser la nature de la marque (verbale, figurative, sonore, etc.), mais dans la majorité des cas pour un livre, il s’agira d’une marque verbale (le titre sous forme de texte).

L’étape suivante consiste à préciser pour quels produits ou services la protection est demandée. En effet, une marque n’est jamais protégée « en général », pour tout ce qui existe : elle l’est uniquement pour les produits et services désignés lors du dépôt. Par exemple, le même mot pourrait être une marque pour des livres, mais aussi pour des vêtements sans que cela pose un problème si les domaines ne se recoupent pas. Le choix des produits et services à protéger s’effectue selon la « classification de Nice ». Il s’agit d’un système international qui répartit tous les produits et services en 45 classes. Les classes qui peuvent intéresser les écrivains sont notamment la classe 9 pour les livres numériques ou audio, la classe 16 pour les livres imprimés, et la classe 41 pour des services d’édition et de publication. Vous pouvez aussi choisir d’autres classes si vous souhaitez déposer votre marque pour d’autres services ou produits. Le choix des classes lors du dépôt délimite précisément l’étendue de la protection : seuls les produits et services désignés seront couverts.

Une fois la classe choisie, il faut encore choisir les « libellés », c’est-à-dire la liste précise des produits et services que vous décidez de couvrir dans la classe choisie. Si vous ne mentionnez pas un produit ou un service, votre marque ne sera pas protégée pour ce domaine d’activité, et vous ne pourrez pas remodifier votre dépôt par la suite. Il est donc nécessaire que vous réfléchissiez bien à la façon dont vous souhaitez exploiter votre marque afin de sélectionner les classes et libellés pertinents.

Enfin, vous devrez procéder au paiement en ligne des frais de dépôt, qui varient selon le nombre de classes sélectionnées. À l’heure de la rédaction de cet article, le coût du dépôt est de 190 € pour une classe (par exemple, la classe 9 pour les livres les livres numériques) et de 40 € pour chaque classe supplémentaire (comme la classe 16 pour les livres papier). Une fois la demande déposée, vous recevez un accusé de réception.

L’INPI va ensuite la publier au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI) dans un délai d’environ 6 semaines après le dépôt. Cette publication va permettre d’ouvrir un délai de 2 mois pendant lequel des tiers peuvent s’opposer à votre dépôt s’ils estiment que votre marque ressemble trop à la leur (c’est pourquoi il est important d’effectuer les recherches d’antériorités pour vérifier la disponibilité de la marque en amont). La procédure d’opposition est une procédure écrite. L’opposant initie la procédure en ligne sur le site de l’INPI, en précisant les droits antérieurs invoqués et en payant la taxe d’opposition. Si l’opposition est jugée recevable, l’INPI vous en informe et vous disposez d’un délai de 2 mois pour y répondre et présenter vos observations écrites. L’INPI doit ensuite statuer sur l’opposition dans un délai de 6 mois à compter de l’expiration du délai d’opposition. L’INPI peut rejeter totalement ou partiellement la demande de marque, ou bien rejeter l’opposition et valider votre marque. 

Parallèlement ou juste après le délai d’opposition, l’INPI poursuit l’examen de la demande (en vérifiant les autres critères [licéité de la marque, distinctivité et non déceptivité]). L’ensemble de la procédure, en l’absence d’opposition ou de difficulté, dure généralement environ 5 à 6 mois après le dépôt initial.

Si aucune opposition n’a été formée ou si les oppositions sont rejetées, la marque est enregistrée et l’enregistrement est publié au BOPI. L’INPI vous délivrera ensuite un certificat d’enregistrement. Ce n’est qu’une fois que vous recevez ce certificat que votre marque est officiellement « validée » et enregistrée.

Votre marque est valable 10 ans à compter de la date de dépôt et peut être renouvelée indéfiniment, tous les 10 ans, en réglant les frais de renouvellement (actuellement de 290 € pour une classe et de 40 € par classe supplémentaire). 

Cependant, votre droit sur votre marque n’est pas illimité. La loi impose une obligation d’usage. Cela signifie que la marque doit être exploitée « de manière réelle et sérieuse » pour les produits et services que vous avez choisis lors du dépôt. Vous disposez d’un délai de 5 ans à compter de la date d’enregistrement de la marque pour commencer à l’utiliser. Passé ce délai, tout tiers intéressé peut demander en justice la déchéance totale ou partielle de la marque pour non-usage.

Dans quels cas le dépôt d’une marque est-il intéressant pour les auteurs autoédités ?

Le dépôt du titre d’un livre en tant que marque n’est pas forcément nécessaire pour tous les livres. En revanche, il peut être pertinent pour les titres de collection, les titres de séries d’ouvrages sous un même intitulé, les sagas, ou un titre que l’on souhaite développer sous forme de produits dérivés (comme des jeux, des vêtements, des carnets, etc.) ou des services dérivés – à condition toutefois de penser à bien déposer la marque pour les classes correspondantes.

La marque est donc intéressante pour les auteurs autoédités qui souhaitent structurer leur activité sur le long terme, développer une véritable marque autour de leur univers, ou anticiper une exploitation commerciale élargie de leur œuvre.

Si le dépôt du titre d’un livre en tant que marque peut offrir des avantages, il peut comporter aussi des limites et des risques. 

Tout d’abord, le coût du dépôt peut représenter un frein, surtout si vous souhaitez protéger votre titre dans plusieurs classes. 

Ensuite, une fois la marque enregistrée, il ne suffit pas de la laisser « dormir » : il faut effectuer des veilles pour détecter d’éventuelles utilisations non autorisées de votre titre par des tiers. Cela implique de surveiller régulièrement les nouvelles publications, les dépôts de marques similaires, et d’être prêt à agir rapidement en cas d’atteinte à vos droits. 

Quelques mots pour conclure

En conclusion, chacun de ces mécanismes de protection présente ses avantages, ses conditions et ses limites. Le droit d’auteur s’applique automatiquement, mais reste réservé aux titres véritablement originaux. L’action en concurrence déloyale est accessible même en l’absence d’originalité, mais nécessite de prouver un préjudice ou un risque de confusion. Le dépôt de marque, quant à lui, demande une démarche volontaire et un investissement, et s’inscrit dans une véritable stratégie de protection et de valorisation de l’œuvre.

L’essentiel est de bien connaître ces protections, d’anticiper vos objectifs et de choisir la stratégie la plus adaptée à votre projet d’autoédition.


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre qui réunit les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Dans le cadre de ses activités, Elvire Bochaton délivre de l’information juridique aux auteurs par email et par téléphone, réalise des conférences et des formations sur-mesure pour les particuliers et les entreprises et rédige des modèles de contrats et de documents juridiques. 
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités.  Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.

Vous pouvez la retrouver sur son site ou son compte Instagram

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