Écrire une romance historique : comment bien faire ses recherches ?
La romance historique mêle avec finesse histoire d’amour et cadre historique soigneusement documenté pour offrir aux lecteurs un voyage dans le temps qui les tient en haleine jusqu’à la dernière page. Vous avez toujours rêvé de vous plonger dans ce genre passionnant, sans savoir par où commencer ? Cet article vous donnera des clefs pour créer un univers historique riche et plausible afin de proposer à vos futurs lecteurs une expérience en immersion totale. Comme dans la plupart des genres littéraires, cela commence évidemment par… des recherches ! Plus vous aurez rassemblé d’éléments en amont de l’écriture, plus votre travail sera facilité et plus votre romance semblera réaliste.
Faire de l’Histoire un ressort narratif de votre intrigue
Pour commencer, il est important de se demander ce qu’attendent les lecteurs friands de romance historique quand ils ouvrent un nouveau livre. Cherchent-ils avant tout à découvrir une belle histoire d’amour ? C’est évident. Mais ils souhaitent aussi faire la connaissance de personnages qui évoluent dans une époque bien précise, où fiction et faits réels s’entremêlent. Au-delà de la romance pure et dure, ce qu’ils attendent ici est le dépaysement…
La première mission de l’auteur est donc de définir l’époque dans laquelle s’inscrira son roman. Plus qu’une toile de fond, elle pourra influencer les aventures des héros, provoquer des rebondissements et enrichir l’intrigue. Les événements réels mentionnés (révolutions, grandes découvertes, etc.), mais aussi la description des coutumes, mentalités et rapports sociaux propres à la période choisie sont autant de jalons qui peuvent rythmer le récit et lui donner plus de corps. Ces éléments pourraient aussi vous influencer lors de l’écriture en vous permettant d’entrevoir une solution inventive à laquelle vous n’auriez pas forcément songé pour résoudre un problème rencontré par vos héros.
Faire apparaître des personnages historiques réels dans le récit permet également de l’ancrer plus solidement dans son époque. Cela peut enrichir l’intrigue et attiser la curiosité des lecteurs. Qui ne s’est jamais demandé à quoi ressemblait la vie à la cour d’Elizabeth 1re, ou quel caractère avait Louis XIV dans l’intimité ? Si vous souhaitez inclure des figures marquantes de l’histoire dans votre récit, n’hésitez pas à lire quelques biographies pour y puiser des idées d’anecdotes à relater !
Établir une frise chronologique des faits réels qui apparaissent dans votre roman, mis en parallèle avec les éléments fictionnels de l’intrigue, peut aussi s’avérer très utile lors de votre travail d’écriture…
Lorsque j’ai commencé à ébaucher ma première romance historique, Fiancée malgré elle (publiée chez Harlequin en 2021), par exemple, deux éléments ont été déterminants dans l’élaboration de l’intrigue. L’année et le lieu retenus, Étretat en 1862, m’ont permis d’imaginer une rencontre entre mon héroïne et l’écrivain Gustave Flaubert qui résidait dans cette ville normande à cette époque, ce qui a apporté un peu plus d’épaisseur au cadre historique du roman. Et le fait que cette période a été l’âge d’or de l’émigration européenne aux États-Unis a inspiré mon héroïne en lui offrant une destination toute trouvée quand elle a décidé de fuir le mariage qu’on lui imposait pour tenter de construire une nouvelle vie dans un autre pays.
Enrichir votre univers pour une immersion totale
Créer un cadre historique plausible et réaliste ne dépend pas uniquement des éléments majeurs que vous mentionnerez, tels que de grands bouleversements politiques. Je vous conseille également de vous documenter sur tous les aspects de la vie quotidienne à l’époque choisie pour étoffer l’ambiance générale et le ton de votre roman.
Les détails les plus insignifiants peuvent avoir une importance cruciale pour le réalisme de votre intrigue. Comme dans un roman fantastique où l’auteur invente un univers riche et complexe, la romance historique exige de porter une attention soutenue aux petites choses : les modes de l’époque, les rapports sociaux parfois très codifiés, les objets du quotidien, les transports, la nourriture, les avancées technologiques… Chaque élément, même le plus anecdotique, renforcera l’immersion des lecteurs.
S’il est facile de se renseigner au sujet des grands « jalons » de l’histoire ou de la vie des personnages illustres, il peut sembler plus compliqué de rassembler des informations au sujet des petits détails du quotidien. Pour y parvenir, je vous invite à consulter des blogs historiques spécialisés (je me suis souvent appuyée sur celui de l’autrice Lise Antunes Simoes en ce qui concerne la vie sous la Régence anglaise ou à l’époque victorienne), à regarder des documentaires, à écouter des podcasts ou à consulter des ouvrages de vulgarisation écrits par des historiens – inutile de vous atteler au déchiffrage d’une thèse austère sur la vie dans la campagne provençale en 1781 pour dénicher les « petits plus » qui rendront votre roman plus réaliste : il existe de nombreux livres accessibles sur tous les sujets imaginables. Votre libraire ou bibliothécaire préféré pourra sans doute vous renseigner !
On peut également mêler l’utile à l’agréable en visitant des musées régionaux, des monuments, ou en regardant des films et séries historiques bien documentés tels que les premières saisons de la série Vikings ou l’intégrale de Downton Abbey...
Adapter votre vocabulaire
Le réalisme historique d’un roman passe également par le choix du langage, à la fois dans les dialogues et dans la narration ou les descriptions. Certains mots et expressions courantes n’ont en effet été employés qu’à partir d’une époque précise et il est essentiel d’employer un vocabulaire crédible pour ne pas tomber dans le piège de l’anachronisme.
En ce qui concerne les dialogues entre les personnages, je vous invite en premier lieu à être très attentif à l’emploi du tutoiement, qui a longtemps été très peu utilisé voire proscrit dans certaines sphères sociales (en particulier l’aristocratie). Les relations sociales ont toujours répondu à des codes assez précis, et les habitudes de familiarité du XXIesiècle ne sont pas forcément appropriées aux échanges entre une jeune demoiselle de la noblesse et sa femme de chambre, par exemple, ou entre deux futurs amants qui se croisent dans un cadre social assez huppé (bal, cour royale). Les interjections et tournures de phrases qui nous viennent naturellement sont également à surveiller, ainsi que les niveaux de langage : un duc et un paysan ne s’exprimeront pas de la même manière !
En ce qui concerne la narration et les descriptions, il est très important d’être attentif aux parallèles et métaphores qui pourraient faire appel à des éléments trop modernes : « un ciel gris béton », « une robe bleu électrique », pour ne citer que quelques exemples.
Si vous avez le moindre doute, les bases de données du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales sont une excellente référence permettant de s’assurer que tel ou tel mot était bien employé à l’époque de votre récit.
Si vous souhaitez aller plus loin dans le réalisme historique – et si votre intrigue s’y prête – vous pouvez également vous intéresser aux patois régionaux pour enrichir l’ancrage local de votre romance.
Les anachronismes, bête noire des auteurs… ou opportunité de création ?
Lorsque l’on écrit une romance historique, inclure par mégarde des anachronismes accidentels dans le récit peut très vite briser la magie et compromettre le réalisme du roman. Il n’existe probablement pas d’expérience plus désagréable pour le lecteur que se laisser emporter par une histoire fascinante et se heurter brutalement à un élément dissonant qui semble en décalage avec le cadre historique choisi.
Soyez donc très attentif aux détails incohérents. Un ragoût de pommes de terre dans l’Europe du Moyen Âge ? Une luxueuse robe de bal en soie pour une jeune femme issue de la classe moyenne ? Des allumettes à la cour de Versailles ? Une ligne téléphonique installée en pleine campagne dans les années 1840 ? Ces petits accrocs pourraient rapidement sauter aux yeux d’un lecteur attentif. En cas d’hésitation, prenez toujours le temps de vérifier la vraisemblance des éléments que vous apportez au récit – je vous assure que ces efforts ne seront jamais perdus !
« Et si j’ai quand même envie de me libérer du réalisme historique ? » se demanderont peut-être certains. Eh bien, vous en avez évidemment le droit. Intégrer des anachronismes choisis et assumés est un choix d’écriture tout à fait valable. Cela peut même donner naissance à des romances qui sauront séduire les lecteurs par leur nouveauté et les surprises inattendues qu’elles leur réservent !
Dans ce cas, votre roman s’éloignera simplement du genre historique pour se rapprocher d'un autre genre appelé « uchronie » – un récit historique dans lequel un ou plusieurs éléments ont volontairement été modifiés pour s’éloigner de la réalité et créer une sorte d’histoire parallèle et fictive. L’exemple le plus connu d’uchronie en romance historique est probablement à ce jour La Chronique des Bridgerton, de Julia Quinn.
Quelques mots pour conclure…
J’espère que cet article aura su répondre à certaines de vos questions concernant l’écriture d’une romance historique, et qu’il vous aura donné des pistes pour savoir comment mener vos recherches afin de vous lancer plus sereinement dans cette passionnante aventure littéraire. Plonger dans le passé est toujours un voyage excitant, pour l’auteur et le lecteur…
Et n’oubliez pas : en création, tout est permis. Alors, prenez votre plus belle plume et n’hésitez plus !
Hélène Arnaud est autrice de romances historiques et contemporaines, ainsi que de cosy mystery. Depuis 2020, elle a publié une quinzaine de romans. Elle mène également en parallèle une carrière de traductrice littéraire entamée en 2012 et a signé de très nombreuses traductions de romances (historiques ou non).
N’hésitez pas à lui rendre visite sur son site internet.
