Interview de Pauline Perrier, lauréate 2023 du Mois de l’écriture
Faites la connaissance de Pauline Perrier, romancière et lauréate de l’édition 2023 du Mois de l’écriture ! Dans le tourbillon d’énergie et d’enthousiasme qui la caractérise, elle a accepté de répondre à nos questions sur sa participation au concours et l’écriture de Mortelle, son dernier roman publié par Kobo Originals.
D’où vous vient l’envie d’écrire ?
Je ne sais pas si on peut parler d’envie, véritablement, c’est plus quelque chose qui a toujours été là et qui me rendrait incomplète si ça ne m’appartenait pas. J’étais une enfant très sensible, qui avait parfois du mal à gérer ses émotions, qui éprouvait tout très fort, et le jour où j’ai su coucher sur papier le bruit dans ma tête, cet aspect orageux s’est apaisé. En créant des histoires, en racontant les personnages qui s’imposaient dans mon esprit et en les aidant à faire leur bonhomme de chemin, j’ai appris à voir à travers un kaléidoscope d’émotions. Ça m’a permis de vivre mille vies, surtout quand mon écriture a pris une dimension professionnelle car j’ai pu aller au-delà de l’imagination et initier des stages pour étoffer mes univers, comme mon stage en pompes funèbres pour Mortelle… Je crois que c’est juste un besoin de vivre plus fort qu’une véritable envie.
Comment et pourquoi vous êtes-vous lancée dans le Mois de l’écriture en novembre 2023 ?
En octobre 2023, j’ai participé à une résidence d’écriture dans le Vaucluse, la résidence des Effrontées, et au moment de se quitter avec les autres participantes, Marie-Julie (l’une d’entre elles) nous a motivées sur le parking de la gare pour se lancer dans ce défi qu’elle avait suivi en 2022. L’idée de faire cela en groupe, de prolonger cet esprit d’émulation m’a motivée. En même temps, la formule du défi collait parfaitement à mon besoin de contraintes (avec les mots et les caractères imposés) et d’exercices cohérents avec mon emploi du temps (grâce aux formats courts).
Les défis quotidiens pendant 21 jours vous ont-ils aidée à mettre en place une routine d’écriture ?
Oui ! Les défis sont un vrai moteur pour moi et la combinaison de contraintes imposées avec le défi Kobo m’a aidée à canaliser le flow. Du fait d’avoir la liste des mots imposés en début d’aventure, j’ai pu m’organiser en avance pour certains textes – avec mes activités, je ne sais pas si j’aurais réussi à tenir au quotidien, sinon. Je laissais aussi les idées en couvade, faisant confiance à mon cerveau pour travailler en veilleuse pendant que je faisais autre chose. Chaque jour j’allais grappiller une idée par-ci par-là, je retravaillais des textes écrits plus tôt, j’essayais toujours de préparer au moins la veille pour le lendemain pour avoir le temps de relire le matin et de ciseler au besoin. Ça m’a permis de vraiment reprendre une dynamique d’écriture, avec à la fois ce processus créatif en fond où je laissais l’imagination travailler pendant la journée, et cette discipline d’organisation pour ne pas rater un jour.
Quel a été le déclic qui vous a amenée à la rédaction de votre nouveau roman ?
Je n’ai jamais vraiment de déclic, je pense que mon imagination travaille un peu tout le temps et que, parfois, il y a une idée un peu plus tenace, plus récurrente, qui commence à gratter trop fort et je comprends qu’il y a une piste à explorer, qu’il y a de la matière pour écrire une histoire. Mais si je regarde les notes de ma trame narrative du tout début, elle n’a plus rien à voir avec le roman qui existe aujourd’hui, c’est un travail de fond plus qu’un déclic. Pour l’idée de départ, l’univers qui a pris place dans Mortelle, j’imagine qu’il y a eu beaucoup de choses qui se sont mis en couvade dans mon inconscient et que c’est ressorti un jour avec cette idée d’invitation à son propre enterrement. Le reste de l’intrigue, c’est en réalisant un stage dans un service de pompes funèbres et en laissant la place à mes personnages de dire ce qu’ils avaient à dire qu’il s’est tissé.

Comment avez-vous construit la personnalité hors du commun de votre héroïne ?
Je n’ai rien construit, Kelsey est une tornade qui s’est imposée à moi et qui ne me quitte pas ! Cependant, c’est une personnalité très fragmentée, avec beaucoup de force mais aussi des fêlures et il y a eu beaucoup de travail avec mon éditrice pour doser tout ça et permettre au lecteur d’assister à une vraie évolution. Une brève discussion avec Anne-Gaëlle Huon m’a aussi renvoyé un bon miroir de ce qui se cachait vraiment dans ce roman, il a suffi de 2 minutes pour qu’elle comprenne la faille d’où Kelsey était sortie, et à partir de là, j’ai trouvé comment lui laisser la place de se déployer dans toute sa complexité.
Qu’avez-vous le plus apprécié dans le travail avec l’éditrice mandatée par Kobo ?
Avec Emeline, il y a un véritable lien qui s’est mis en place, j’ai senti qu’elle avait tout de suite compris mon univers, où je voulais aller et comment il fallait me recadrer. Elle a été incisive et juste, elle s’est investie dans le texte et c’est une qualité rare.
Quelle qualité vous semble indispensable pour devenir écrivain ?
Il faut de la pugnacité. Je ne parle pas juste d’un entêtement sans borne à écrire, réécrire, se prendre des vestes et continuer malgré tout de toquer aux portes. Je parle de quelque chose qui doit vous animer et vous remuer. On est tous capable d’avoir des idées pour écrire, en revanche ne rien lâcher, savoir emmener ses personnages à leur juste place, c’est un travail de longue haleine. Alors oui, je dirais qu’il faut être pugnace… et discipliné, aussi. Je prends rendez-vous avec mon clavier comme avec mes amis pour aller dîner, je bloque ce temps dans mon agenda, je m’oblige parfois, et quand rien ne vient je reste à mon clavier pour forcer mon cerveau à se dire : « À cette heure-ci, c’est la casquette d’écrivain qui doit fonctionner. »
Quels ouvrages ou auteur·ices vous inspirent particulièrement ?
Je lis beaucoup de dystopies, j’aime cette écriture à part et ces mondes où les auteurs se permettent tout, tout en renvoyant un miroir sur le monde. Mon roman préféré est Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes qui est un chef-d’œuvre absolu. Ensuite il y a beaucoup de romans que je pourrais citer mais je voudrais mettre en avant le talent narratif de Joël Dicker parce qu’il sait écrire un page-turner comme personne. Il a cette patte que l’on reconnaît et cette capacité à faire du roman populaire tout en imposant son univers. Il ose prendre des risques et proposer quelque chose de différent d’un ouvrage à l’autre, même s’il garde une certaine formule. Je trouve que c’est un beau pari.
Qu’est-ce qui fait, selon vous, un bon ouvrage ?
Il faut qu’il soit juste. On peut avoir une super histoire, pleine de rebondissements, mais si ça sonne faux, si on se regarde écrire, si le lecteur se rend compte qu’il y a un auteur derrière les personnages, je pense que c’est raté. Il faut qu’il y ait tellement de justesse dans le dialogue, la personnalité de chacun, qu’on se laisse complètement happer par l’univers. De la justesse et du rythme, c’est la clef. On peut très bien écrire, mais on ne pardonne pas un roman qui nous ennuie. Il faut trouver le juste dosage pour ne pas trop en mettre et ne pas en donner trop peu. Le rythme, c’est ce qui va faire qu’on va rester accroché aux mots jusqu’à la dernière page ou que le roman nous tombera des mains.
Avez-vous de nouveaux projets littéraires en préparation ?
Il y a des idées qui me trottent dans la tête… Je laisse aux graines le temps de germer, mais il n’est pas impossible que vous retrouviez l’univers de Mortelle et certains personnages. Je me laisse cette porte ouverte.
Quel conseil pourriez-vous donner aux écrivain·es qui voudraient participer au Mois de l’écriture cette année ?
D’oser. De ne surtout pas vous brider, de vous concentrer sur l’aspect ludique de ce défi. Il ne vous engage à rien, les autres participants sont sympas, il y a une véritable émulation sous chaque publication et on fait vraiment de belles découvertes. Ça connecte les neurones, c’est une bonne utilisation des réseaux, bref : tous les signaux sont au vert pour vous lancer ! Et surtout, amusez-vous.
Rendez-vous le 1er novembre pour le lancement du Mois de l’écriture 2024 !